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mardi 5 février 2013

Un album, une histoire - Chapitre 2: Miss Perfumado

Vous ai-je dis que j'étais d'origine capverdienne? Bah ouais, en fait mes parents sont capverdiens. Mon père l'est et en est fier, parfois un peu trop. Ma mère l'est à moitié mais elle y est née et y a vécu jusqu'à l'âge de 18 ans mais son père avait du sang rosbif dans les veines et un sacré paquet. On aurait pu croire que parce que mes parents sont capverdiens, ils seraient fans de Cesaria Evora. Que nenni! Mes parents se sont rencontrés à une fête où ils ont passé la soirée, la nuit et la matinée à bitcher sur la grande dame du Cap Vert en la traitant de tous les noms. Mais moi, je l'aime bien Cisa. Et Blandine aussi, elle l'aime bien. Blandine, c'est une copine à moi rencontrée via Twitter et devenue une amie IRL depuis cette soirée de janvier où on a maudit les hommes (sauf un) dans un bar bigrement rock du 11e arrondissement.

Elle aime la batucada, les jolis garçons, les films de James Bond et Djizeuss. En attendant de vous délecter de ses articles musicaux forts sympatiques, je vous invite à lire son papier sur "Miss Perfumado", album sorti en 1992 et qui a révélé Cesaria Evora au rang de reine de la World Music et ambassadrice de mon "petit pays", cet archipel au large des côtes sénégalaise et ancienne colonie portuguaise devenue indépendante en 1975. Petite note : cet article a été écrit en juin 2012 sur son blog à elle.

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Nom: Blandine
Signe astrologique: Bélier, ascendant coquine
On peut aussi la retrouver sur son blog: http://somekindofunrealmusic.wordpress.com
Album choisi: Miss Perfumado - Cesaria Evora (1992)

Il est certains albums récents – ils sont de plus en plus rares – que j’achète à la sortie, quand je pense qu’ils sont assez intéressants dans le contenu pour que je puisse les réécouter pour la postérité (enfin, maintenant, je télécharge davantage sur iTunes). Et puis il y a des albums que je découvre au fil des années, qui deviennent pour moi de grands classiques. Ce fut le cas avec "London Calling" des Clash ou de "Highway 61 Revisited" de Bob Dylan.
 
Il en est un, particulièrement, que j’ai mis quelques années avant de me décider à l’acheter, c’est "Miss Perfumado" de Cesaria Evora. Il a fallu que j’attende qu’elle décède en décembre dernier pour me décider à le télécharger. Et depuis, juste, je me régale. Je me suis également aperçue qu’en 2012, cela faisait 20 ans que l’album était sorti. Donc, à ma manière, j’ai décidé de rendre un tribute à l’album qui triompha tant qu’il fit s’accélérer la notoriété de son interprète qui avait déjà derrière elle 35 ans de carrière.


Cesaria Evora, une sacrée destinée

De mère cuisinière et de père musicien occasionnel, Cesaria Evora voit le jour en 1941, alors que le Cap Vert est encore une colonie portugaise. Elle est placée à l’orphelinat à la mort de son père, à l’âge de 7 ans. Sa carrière commence en 1958, dans des bals populaires, avec le guitariste qui deviendra le père de son deuxième enfant (elle en a eu 4, tous de pères différents). Avec sa rencontre avec Ti-Goy, elle commence à enregistrer des disques qui lui permettent de se faire connaître dans l’archipel sans pour autant lui permettre de vivre de son art. Elle arrête sa carrière en 1975, au moment de l’indépendance du Cap Vert, pour se remettre à chanter pour les 10 ans de l’indépendance.


De nouvelles perspectives s’ouvrent à elles en 1985 : un disque et une tournée aux États-Unis. Malheureusement, mal entourée professionnellement, elle sombre dans l’alcoolisme à force de monter sur scène en état d’ébriété. C’est alors que José da Silva, un cheminot français d’origine portugaise, l’entend dans une boîte lisboète en 1987 et est bouleversé par sa voix rauque. Il décide de prendre sa carrière en main et la fait enregistrer La diva aux pieds nus, avec déjà un gros tube dans les communautés cap-verdiennes, Bia de Lulucha.
 


Ses albums suivants sont des échecs jusqu’en 1991. Elle chante alors au New Morning, grosse boîte de jazz parisienne. Dans ce contexte sort Miss Perfumado qui deviendra un classique grâce au titre 'Sodade'. Par la suite, elle chante avec les plus grands artistes lusophones (Caetano Veloso, Marisa Monte…) et reçoit divers récompenses pour Café Atlântico (1999) et Voz de Amor (2004), albums qui ont également été plébiscités par le public. Elle met une fin définitive à sa carrière en septembre 2011, juste avant de mourir d’une insuffisance respiratoire.


Miss Perfumado : les raisons du succès

Enregistré au Studio de la Madeleine (Paris) en juin 1992, cet album reste dans les mémoires comme celui de la véritable démocratisation aux pays occidentaux de la musique traditionnelle cap-verdienne, comme le fut, dans un sens, le documentaire "Buena Vista Social Club" pour la musique afro-cubaine des années 1950. On y découvre donc la morna, sorte de blues où les chansons parlent de conditions de vie assez dures ou de chagrins d’amour. On y découvre également la coladeira, une musique un peu moins dramatique qui accompagne des paroles plus satiriques. Bien sûr, l’album regorge d’autres influences (afro, brésilien, cubain, antillais…).

Je vous propose donc de découvrir l’album en cinq titres : 




Cette chanson, qui a contribué à elle seule au succès de Miss Perfumado et qui restera LA chanson emblématique de Cesaria Evora, est une morna qui évoque la vie des saisonniers dans les champs et leur nostalgie par rapport à leur village natal. La guitare, mêlée à la lenteur de l’ensemble, est quasiment hypnotique (et, personnellement, m’évoque la mer quand je navigue, mais ça c’est autre chose). Cela suffit pour donner une dimension dramatique à la partie chantée avec maestria, qui ne suit pas un rythme précis, carré, mais s’insinue tout en langueur.




Encore une histoire de nostalgie et de désillusion dans la droite lignée des chansons de  morna de cet album. Elle reste pour moi ma chanson préférée de l’album, celle que je chantonne le plus. Et pourtant, la mélodie n’est pas simple. Mais elle me touche directement au cœur.




Dernière chanson de morna que je vous propose de découvrir, elle laisse la part belle au piano, très présent dans la musique traditionnelle afro-cubaine, brésilienne, etc. Héritage des colons, bien sûr – le piano étant très prisé par les compositeurs de bossa nova, la musique des héritiers de colons portugais en opposition à l’afro samba, musique des descendants d’esclaves, excusez pour la digression.


Cumpade Ciznone [elle est cool celle-là]


Enfin un morceau de coladeiravous auriez cru que l’album était d’une tristesse sans nom, alors qu’il regorge de petites bulles de joie comme cette chanson – où on voit que le rythme est plus rapide, mais aussi que l’orchestration se rapproche du pagode brésilien, avec forces cavaquinho et percussions. D’après ce que je comprends des paroles, avec mon portugais limité, cela diffère également des morceaux dont je parlais précédemment, à savoir un cri de colère sur le ton de la raillerie.




Dernière chanson bien chouette, un hymne dédié à l’ancienne colonie portugaise la plus proche de l’archipel. Quand je l’entends, j’ai envie de danser le coco, cette danse du nord-est brésilien que j’ai appris à danser avec mon orchestre de maracatu.

Bien sûr, il faut aimer au départ tout ce qui a attrait à la world music. Mais Miss Perfumado est pour moi un album assez qualitatif pour en faire son jubilé 20 ans après sa sortie.

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Si cet article vous a plu, vous pourrez aller la remercier en allant voir son blog ou en lui glissant un mot gentil sur Twitter. Elle appréciera. Si l'aventure vous tente alors envoyez-moi votre texte avec nom et liens de vos blogs/podcasts par mail avec en objet "Un album, une histoire". La semaine prochaine, on change d'ambiance et ce sera Christophe (plus connu sous le nom de Chris Phenix) qui va nous parler d'un de ses groupes préférés: The Rolling Stones...

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